Catherine Lamarche

La vie est ce qu’on en fait

Après deux semaines, elle était à l’aise dans les deux langues. La clé? Elle est entourée d’amis qui parlent français

Ma belle Elsa me parle en français! Plusieurs émotions me viennent en écrivant ces paroles. Je suis tellement heureuse et soulagée. Quelle mission, voyage, défi, apprentissage. Lorsque Elsa est née il y a quatre ans, j’avais tenu pour acquis qu’elle serait bilingue. Je ne me doutais pas pourtant que ce serait un si gros défi.

Grâce à ma formation en enseignement du français langue seconde, je me croyais prête à avoir une petite à Dawson, un village où le français était minoritaire. Il y avait quand même plusieurs francophones dans la communauté et avec la technologie, Elsa pourrait parler à sa famille francophone de l’Ontario. Tous ces critères n’étaient pas assez.

À un an et demi, Elsa disait seulement des mots anglais, mais c’était correct. J’étais patiente, je lui parlais toujours en français et elle répétait tout après moi. J’ai alors commencé à travailler à la garderie pour qu’elle puisse avoir du français durant la journée; les autres enfants francophones ou intéressés au français en bénéficieraient aussi. Ma fille réalisait que d’autres enfants pouvaient parler une autre langue.

Ceci n’était pas assez. Elle continuait à parler en anglais, car ses amis étaient anglophones. J’ai alors entrepris des démarches avec l’Association franco-yukonnaise (AFY) pour créer un environnement dans la communauté où tous les francophones, francophiles, et ceux qui aiment le français pouvaient se rassembler, pratiquer et célébrer le français. Ceci pour démontrer encore une fois à ma fille que le français n’est pas seulement chez nous.

Encore une fois, ce n’était pas assez. À trois ans et demi, Elsa n’utilisait que quelques mots français. À Dawson, il n’y a pas de services pour les francophones. Le seul français à la garderie est lorsque je suis là. Et si je veux changer d’emploi? Le Programme de français intensif à l’école qui débute en 4e année est bien pour les anglophones. Le français enseigné avant la 4e année dépend de l’enseignant alors la qualité et la fréquence du français varient énormément. J’adore Dawson, mais ma petite grandit vite. Je suis fatiguée et stressée. La vie est vraiment ce qu’on en fait, et nous avons tous des choix. Je ne peux pas changer le système assez rapidement et je veux le meilleur pour Elsa et sa culture. Alors on déménage là où il y aura des services francophones, une garderie, une école, des services, des activités… Oh oui! Oui!

Je suis maintenant à Whitehorse avec Elsa. Après deux semaines, elle était à l’aise dans les deux langues. La clé? Elle est entourée d’amis qui parlent français. Je suis si heureuse d’avoir fait ce choix et j’espère beaucoup que la réalité des francophones de Dawson évoluera. Il y a tellement de potentiel pour avoir du bilinguisme dans ce petit village mouvementé de 1 200 personnes. Je dois répéter que la vie est ce qu’on en fait. Une de mes priorités est ma culture et le français, Elsa et moi sommes choyées de pouvoir vivre dans la nature en gardant notre culture.