Hélène Saint Onge

Nos efforts auront porté leurs fruits

Devenue grand-maman récemment, je rayonne d’entendre ma fille qui vit une relation exogame chanter des berceuses et s’adresser à son bébé en français.

Je suis née au Québec de parents francophones. Le Yukon m’ouvre son cœur au début de ma vingtaine. On est au début des années 1980. En posant le pied sur le tarmac, j’ai la vive sensation que le magnétisme nordique aura raison de moi.

Dès mon arrivée, j’ai constaté qu’une communauté francophone prenait forme et que chacun pouvait y prendre sa place et y jouer un rôle : revendiquer. Les luttes afin d’obtenir des organismes essentiels à notre survie linguistique et culturelle étaient constantes. Un feuillet existait, qui deviendra plus tard notre bimensuel, l’Aurore boréale, mais à ce courant d’information devait s’ajouter un espace pour notre francophonie.

L’accueil des francophones de ma génération est fantastique. J’ai vite l’impression de faire partie d’une grande famille. On se tient les coudes, on rigole, on se relève les manches et on bâtit notre avenir. De nouveaux quartiers se développent, chacun choisit sa façon de vivre. Peu importe où on habite et notre statut social, les amitiés qu’on a tissées dans la francophonie perdurent et se solidifient.

Enseignante à l’École élémentaire de Whitehorse pour le programme d’immersion, je tombe sous le charme d’un beau Français d’origine, qui deviendra mon compagnon de vie. Nos petits francophones et ceux de mes amies sont semés au gré du vent. Loin de nos familles, chacun, chacune d’entre nous joue tantôt le rôle d’oncle, de tantine ou de grand-maman. Il est temps de penser à obtenir une garderie et une école francophone homogène.

En 1990, le programme francophone devenu l’École Émilie-Tremblay déménage dans les portatives de Riverdale et j’ai le plaisir d’y enseigner. Mes deux petites cocottes inaugurent la première garderie, une portative rouge qui ressemble à un autobus et qui est située derrière le ministère de l’Éducation. Les places manquent rapidement et une garderie est construite à Riverdale, derrière l’école francophone.

En 1996, j’ai le plaisir de devenir la nouvelle directrice de la nouvelle école, de la rue Falcon Drive. La garderie y déménage à côté.

Passionnée par le théâtre, je veux utiliser ce médium pour faire apprécier notre langue et notre culture aux enfants. Je crée une troupe de théâtre pour enfants, le Théâtre de la Pastèque qui présentera six pièces au fil des ans.

J’ai terminé ma carrière comme directrice à l’École élémentaire de Whitehorse. Plus de 450 élèves y apprennent le français comme deuxième langue. L’école déborde, on doit ouvrir trois nouvelles classes d’immersion à l’École Selkirk.

Mon plus bel accomplissement en tant que francophone a été de faire jouer en français les 450 élèves de mon école d’immersion dans la comédie musicale « Le Petit Prince » au Centre des arts. Quel rayonnement de la langue française et quel plaisir pour ces enfants de faire tout le processus théâtral dans la langue de Molière!

Devenue grand-maman récemment, je rayonne d’entendre ma fille qui vit une relation exogame chanter des berceuses et s’adresser à son bébé en français. Une deuxième génération ira à l’école francophone et les mamies que nous sommes devenues savons que nos efforts auront porté leurs fruits.